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dimanche, juillet 09, 2006

Mon amour (6)
Lui

On est descendu de la voiture et on marchait vers l'hippodrôme où avait lieu le gala. J'avais du mal à marcher. Ce n'étaient pas mes chaussures, c'était les siennes, à notre coloc, tu sais laquelle. Je devais me mettre en pantalon à l'origine, parce que je n'étais pas à l'aise en jupe. Pendant des jours, je vous avais embêtés avec ça, je voulais me décider à m'habiller en jupe mais je n'y arrivais pas. Puis samedi après-midi, au dernier moment, je me suis dit que cette soirée devait être particulière, j'étais mieux en jupe, alors je me mettrais en jupe.
Qu'est-ce que t'étais beau dans ton costume toi... Je t'avais vu en sortant de ma chambre, tu m'avais dit en souriant "bah voilà, t'es très bien en jupe", et je t'avais répondu "toi aussi en costume". On était resté assez neutres, mais je mourais d'envie de te sauter dessus. T'étais irrésistible. J'espérais que tu me trouvais jolie. J'avais prévu de me mettre en pantalon pour lui, mais je m'étais mise en jupe pour toi.
On s'est dirigé vers l'entrée des salles, et on l'a vu avec les autres. On leur a tous dit bonjour, puis on est parti faire notre tour de salles. On n'est pas resté avec lui. Ce n'était pas une revanche, ce n'était pas de l'amertume, je ne cherchais pas à le faire regretter, je ne cherchais pas à le rendre jaloux, ni envieux, il avait fait un choix, je l'avais accepté, et on en était resté là, personne n'avait gardé de rancune envers l'autre, et c'était très bien.
Ce soir-là, tout ce que j'avais prévu de faire, je le ferais bien pour toi, et non pas contre lui.


Il m'a fait attendre du 13 avril au 9 mai. Près de quatre semaines.
Il m'avait fait espérer ce 13 avril, alors que je lui avais avoué mes sentiments sans rien attendre de lui. A ce moment-là, je n'avais pas forcément envie d'être avec lui, je voulais juste vider mon coeur de ce qui l'encombrait, je n'étais pas forcément prête à me lancer dans une nouvelle relation, j'avais prévu de ne rien attendre en retour.
Mais lui, il m'avait dit d'attendre, qu'il y réfléchirait pendant les vacances, il avait fait naître cet espoir. J'ai beaucoup posté sur lui, et j'ai beaucoup attendu de lui.
Pour moi, il aurait été inhumain de me faire espérer et de ne rien me donner en retour.
Pourtant, c'est ce qu'il a fait.
Pire encore, il l'a fait, et il n'a même pas eu le courage de me le dire.

Bien-sûr, j'espérais secrètement avoir une réponse pendant les vacances.
Bien-sûr, elle n'est pas arrivée.
Qu'est-ce que j'ai stressé ce dimanche avant la rentrée.
Normalement il devait me répondre le lendemain.
Je l'ai croisé le soir en td, il était avec ses amis, il a fait comme si de rien n'était. Je me disais que c'était tant mieux, qu'au moins si la réponse était positive, j'aurais eu le temps de rompre avant, de ne pas chevaucher les histoires.
J'ai rompu le soir-même car il avait fini ses examens.
Mais il ne s'est jamais manifesté. Il a continué à faire comme si de rien n'était, comme si tout était normal, comme avant, comme si je n'attendais aucune réponse.
J'étais de plus en plus mal, car plus j'attendais et plus j'espérais, plus j'attendais et plus je désenchantais. J'espérais crescendo, je désenchantais autant que j'espérais, c'était incompatible mais c'était bien ce qu'il m'arrivait, j'étais dans une position très inconfortable, j'avais trop de questions, trop d'incertitudes, je n'avais aucune réponse. Je voulais écrire sur ce blog, mais je n'y arrivais plus. Je ne savais plus ce que je ressentais, je me sentais impuissante, je ne savais plus quoi faire.
De plus, plus le temps passait et moins je ne trouvais le courage d'aller le voir. Mais il y avait toujours un élément qui m'incitait à attendre qu'il se manifeste.
Il venait d'apprendre que j'étais célibataire, peut-être était-ce un argument qui entrerait en jeu?
On avait prévu une soirée le 7 mai, peut-être allait-il se passer quelquechose ce jour-là?
Mais non, rien n'avait changé le 8 mai. Au contraire, il avait eu toutes les occasions du monde et il était passé à côté de toutes.
C'était sûr, c'était négatif. Mais il me fallait une fin.

Je n'en ai parlé à personne. Vous mes colocs, vous saviez tous que la soirée du 7 mai n'avait pas porté ses fruits, et que j'en étais sortie déçue. Mais je ne voulais plus les embêter avec cette histoire. Je voulais décider seule, trouver le courage seule, une dernière fois.
C'était le 9 mai. C'était midi, on était à table, j'avais préparé le texto depuis un bout de temps, et alors que vous parliez, je l'ai envoyé. Je l'avais invité à prendre un verre. Vous avez tous été surpris, mais j'étais contente de l'avoir fait.
Puis j'ai attendu. Encore.
Une heure.
Deux heures.
Trois heures.
Presque quatre heures.
Puis il m'a dit qu'il arrivait.
T'étais en cours, deux autres de nos colocs aussi. Les deux autres étaient restés dans leur chambre. Je vous avais envoyé un texto à tous pour vous dire que si ma porte de chambre était fermée au moment où vous rentriez, c'était que j'étais en grande conversation et qu'il ne fallait surtout pas me déranger.
Quand il est arrivé, il s'est installé dans le salon, et je n'ai pas trouvé le courage de lui dire de monter dans ma chambre, d'officialiser les choses, je me disais que vous seriez suffisamment intelligents pour nous laisser seuls.
On n'a pas parlé longtemps. On a commencé sur des banalités, nos histoires de papiers, des anecdotes marrantes, puis au premier silence, je me suis lancée.
Je lui ai dit que je ne l'avais pas fait venir juste pour l'inviter à prendre un verre, j'avais besoin de réponses. Je lui ai dit qu'au moment où je lui avais avoué mes sentiments, je n'attendais rien de lui, mais le fait qu'il m'ait dit qu'il y réfléchirait m'avait fait espérer, du coup j'attendais une réponse.
Le monde ne s'est pas écroulé quand il m'a dit qu'il comprenait, avec une toute petite voix.
Le monde ne s'est pas écroulé quand il m'a dit qu'il y avait réfléchi pendant les vacances, quand j'ai compris que quelques semaines il pouvait me répondre.
Le monde ne s'est même pas écroulé quand il m'a dit qu'il avait un semestre très chargé et qu'il préférait ne pas commencer de relation.
J'avais eu un mois pour me préparer à cette réponse.
Je lui ai dit que j'acceptais sa décision, que j'avais juste besoin d'une réponse, que c'était sans doute mieux ainsi.
Mais j'avais toujours de l'espoir. Avant de le voir, je savais que ce serait négatif, mais je savais que les choses pouvaient encore évoluer après. J'avais prévu de lui dire beaucoup de choses, de le remercier parce que grâce à lui j'avais à nouveau éprouvé des sentiments pour quelqu'un, ça faisait tellement longtemps que je n'étais plus certaine de pouvoir encore le faire. J'avais prévu de lui dire que je n'avais pas fait ça à la légère, que j'avais été sincère. Je voulais qu'il ait tous les éléments en main si un jour il venait à changer d'avis.
Mais elle est rentrée. Notre troisième coloc. Elle nous a vus en bas, elle pensait qu'on avait fini de parler puisqu'on n'était pas dans ma chambre. Elle est restée avec nous et on a parlé d'autre chose.
C'est là que mon monde s'est écroulé. Quand j'ai compris que c'était fini. Que j'avais attendu un mois pour cinq minutes de discussion. Que j'avais stressé un mois pour n'avoir jamais pu dire ce que j'avais sur le coeur. Parce qu'il n'y aurait plus de nouvelle discussion. Je lui avais dit que j'acceptais sa discussion, ne serait-ce que pour ça je ne le relancerais plus. C'était ma dernière chance.
Les autres colocs filles sont arrivées, elles ont toutes cru qu'on n'avait pas fini de parler alors elles ont essayé de le faire rester. Mais c'était trop tard. J'étais déçue. J'étais dégoûtée. Je voulais juste qu'il parte. Je lui ai dit que je n'allais pas lui prendre davantage de son temps. Elles ont été surprises. Je l'ai raccompagné à la porte, en revenant je leur ai dit que j'avais eu ma réponse, et je suis sortie faire un tour.
J'étais déçue de l'issue de l'histoire.
Je n'avais pas pu aller jusqu'au bout des choses. J'avais encore beaucoup de choses à dire que j'allais garder pour moi toute ma vie. J'avais fait tous ces efforts pour finalement ne pas réussir à me décharger de ce poids. J'étais restée frustrée. J'étais dégoûtée de tout. J'en voulais au monde entier.

Je suis rentrée une heure plus tard, j'ai encore bu pour noyer mes interrogations, et j'ai passé la soirée avec vous. Je t'ai dit que tu m'avais donné le courage de lui envoyer le texto et que c'était fini. J'avais suffisamment bu pour oublier que j'étais dégoutée de la vie. J'ai passé une bonne soirée avec vous toute la durée de mon ébriété. Quand je suis montée me coucher, mes idées noires étaient revenues.
Tu m'as envoyé un texto pour me dire que c'était une très bonne soirée, et que tu n'avais pas eu envie de partir. Je t'ai avoué que j'avais moi aussi passé une bonne soirée malgré tout, et que je n'avais pas eu envie que tu partes non plus. C'est là que tu m'as dit qu'il ne fallait pas que j'hésite à dire ce que j'avais sur le coeur, parce que si t'avais su que je voulais que tu restes, tu ne serais pas allé chez ta copine.

Jusqu'au week-end, je n'étais pas bien. Je ne voulais pas en parler parce qu'il n'y avait plus rien à dire, les choses étaient réglées. Mais je n'étais plus à l'aise en votre présence, parce que vous le saviez, je voyais dans vos regards que vous compatissiez, moi je voulais juste ne plus y penser, alors je ne voulais plus les croiser, je vous évitais, je restais dans ma chambre.
Je n'avais plus le courage d'affronter qui que ce soit.
Je n'avais même pas eu le courage de vous raconter.
Je m'étais renfermée, j'avais fait croire que ça allait.
En fait la seule présence que je tolérais, c'était la tienne. Je ne restais en bas que quand tu étais là.
La seule personne vers qui je me tournais, c'était toi. T'étais le seul à savoir que je n'allais pas bien.
J'ai tenu trois jours comme ça. Deux jours entiers.
Puis le matin du 12 mai, je vous ai laissé le petit mot sur le frigo.
"Pas du tout vaut mieux que trop tard": si je lui avais parlé avant, par exemple lors de l'épisode de la photo, ça aurait peut-être marché, mais j'avais agi trop tard, sa réponse était devenue négative. Cette situation me torturait.
"Trop en dire vaut mieux que pas assez": je n'ai pas pu dire tout ce que je voulais lui dire par la force des évènements. C'était un vrai supplice de garder tout ce poids en moi.
Puis je suis partie en week-end, et t'as changé le cours des choses.

Je m'étais beaucoup beaucoup beaucoup rapprochée de toi, on s'apportait énormément, mais comme d'habitude, je n'étais pas allée au fond des choses, comme à chaque fois, comme avec lui, comme avec tous ceux avant lui, je ne restais qu'avec ce qu'il y avait en surface.
Mon attirance pour lui était plus forte, parce que ça faisait un an et demie qu'elle existait en secret, ça faisait un an et demie qu'on se connaissait, qu'on s'entendait bien, et qu'on était complices. On s'était aussi beaucoup rapprochés ces derniers mois, à s'inventer une vie parfaite qui, additionée au fait que j'étais déjà attirée par lui et que ça faisait quatre ans et demie que j'étais dans une relation à distance où je me suis privée de vivre, a fait que je me suis beaucoup attachée à lui. J'ai été aveuglée par sa présence, par la relation qu'on entretenait. Il était en surface, tu étais en profondeur, il te cachait, je ne te voyais pas, je ne voyais que lui.
Notre rapprochement, toi et moi, n'a pas suffi à m'ouvrir les yeux. Je n'avais pas l'habitude de chercher, je m'étais déjà fait une idée des différentes relations que j'avais avec les personnes que je cotoyais, et je restais dessus. L'idée que je m'étais faite de ma relation avec toi était née à l'époque où t'étais avec elle, où j'étais avec lui, et elle n'a pas évolué au moment où ma situation a changé car la tienne était restée la même.
Il a suffi que tu m'avoues tes sentiments pour que je réalise ce qu'il y avait au fond de moi. Il a d'abord fallu que je fasse un peu de ménage, car il était encore très présent dans mon esprit. En réalité, il m'avait déçue, mais je ne m'en étais pas rendue compte. Il m'avait fait attendre un mois alors qu'il avait eu sa réponse dès les premiers jours. Il m'avait fait espéré alors qu'il n'y avait pas eu de raisons de le faire. Mais j'étais trop fatiguée pour me relever. J'avais trop attendu. Trop subi. Trop réfléchi. Trop enduré. Je voulais juste me laisser aller, ne plus me battre. Je n'ai pas cherché à aller mieux, je me complaisais dans ma douleur parce que je n'avais plus à agir. Au moment où tu m'as parlé, j'étais donc encore dans cet état d'esprit. Rien n'avait évolué, je l'avais laissé me détruire sans réagir.
Mais tes révélations ont poussé les choses. Elles ont faillit n'avoir aucun effet, car par paresse, par fatigue, j'avais envie de te dire non, de rester dans ma situation, d'attendre que ça passe, que je retrouve mes forces pour me relever. Je ne voulais pas te faire attendre, alors je voulais te dire non.
Heureusement, je ne voulais pas non plus te faire souffrir. Si je voulais être sûre de vouloir être avec toi avant de te dire oui, je voulais aussi être sûre de ne pas vouloir être avec toi avant de te dire non.
C'est là que j'ai constaté que mes sentiments pour lui s'étaient dissipés au fur et à mesure que je l'attendais. Qu'en plus, ces sentiments étaient nés de faux espoirs basés sur une vie imaginaire qu'on s'était inventée alors que j'avais besoin de changements dans ma vie réelle. Tout était basé sur des délires. Il m'apportait très peu. Il m'aidait de temps en temps, mais il ne se souciait pas de moi, il n'était pas là quand j'avais besoin de lui, et j'avais toujours l'impression de lui devoir quelquechose quand je le sollicitais. On avait très peu d'échanges en dehors de nos délires, on ne s'apportait rien, en fait tout ce que je partageais avec lui, je le partageais également avec toi, mais je partageais en plus beaucoup plus de choses avec toi. Comment avais-je pu ne jamais le voir?
A ce moment là, j'avais fait le ménage dans mes idées, dans ma vie.
Il t'avait cédé sa place. Il ne l'a jamais reprise.


Je pense qu'elle a aussi eu son mot à dire dans sa décision.
Tu sais, elle, cette garce.
Elle a obtenu des informations de notre coloc, pas tu sais laquelle, ni la troisième, mais l'autre, parce que notre coloc lui faisait confiance.
Elle a appris tout ce qui s'était passé, et quand je lui ai demandé pourquoi elle l'avait interrogée, elle m'a répondu que c'était pour m'aider.
C'était une hypocrite, une menteuse, et surtout une fille très allergique au bonheur des autres. Sa réputation l'avait suivie au moment où j'avais intégré l'école, les rumeurs étaient affreuses, elle aurait brisé des couples, entre autres celui de sa meilleure amie, elle aurait mis des batons dans les roues de quiconque réussissait mieux qu'elle, de quiconque voulait pénétrer sur son terrain.
A ce moment là, ils étaient son terrain. Elle s'était liée d'amitié avec eux, et ils étaient très proches. Elle ne supportait pas que d'autres personnes soient proches d'eux, mais elle ne le montrait pas. Elle paraissait adorable, elle paraissait gentille, elle paraissait serviable, elle paraissait naïve. Elle n'était rien de tout ça. Les gaffes qu'elle faisait et qui causaient du tort à d'autres personnes, elle les avaient réfléchies, glissées dans une conversation de manière naturelle. Les questions qu'elle posait n'étaient jamais anodines. Elle obtenait des informations sur tout le monde, par tous les moyens. Elle tombait toujours au bon moment, elle me demandait des nouvelles de mon copain alors qu'il venait d'apprendre que j'avais des sentiments pour lui, elle te demandait des nouvelles de ta copine alors qu'on venait de sortir ensemble.
Elle était dangeureuse, manipulatrice, et il lui faisait confiance.

Je pense qu'elle lui a posé des questions anodines. Par exemple s'il était certain de vouloir commencer une relation alors qu'on allait tous les deux partir à l'étranger, pas au même endroit.
Je pense qu'elle n'aurait pas supporté qu'il y ait une autre fille qu'elle dans sa vie, et qu'elle n'a jamais voulu m'aider.
Je pense qu'elle nous a mis des bâtons dans les roues, et qu'il est tombé dans son piège.
J'ai compris tout ça petit à petit, et j'ai fini par lui être hostile.
Je me souviens de cette soirée où on voulait se faire un dîner entre colocs. Elle, notre coloc qui était amie avec cette garce, l'avait invitée sans nous prévenir. J'étais contrariée et je m'étais enfermée dans ma chambre. Tu m'avais même rejointe à un moment, t'étais trop mignon mon amour. Cette garce a tapé à ma porte, elle est rentrée sans que je lui en donne l'autorisation, je lui ai demandé ce qu'elle me voulait, elle m'a dit qu'elle voulait me dire bonjour, j'ai répondu qu'on s'était déjà dit bonjour. Elle a compris qu'elle n'était plus la bienvenue.
C'est après ce jour là qu'une rumeur a circulé sur moi: elle a prétendu que je l'avais sollicitée pour qu'elle oeuvre en ma faveur auprès de lui. Elle avait obtenu toutes les informations comme une grande derrière mon dos, et c'était moi qui l'avait sollicitée.
Elle a joué à un jeu dangereux.
Elle était capable de tout.
Ils ont fini par se rendre compte de qui elle était réellement à la fin du semestre. Comme quoi justice finit toujours par être rendue.
Mais le mal était fait.
Je pense, avec raison, qu'elle a souhaité mon malheur.
Je pense, avec raison, qu'elle m'a empêchée d'arriver à mes fins.
Je pense, avec raison, qu'elle a eu une influence sur sa réponse.
Mon amour, je n'ai qu'une chose à dire à cette garce aujourd'hui: merci.




Ils ont allés au gala ensemble. Pendant ce gala, j'ai eu la confirmation de ce que je pensais. Il ne t'arrivait pas à la cheville, et elle ne m'arrivait pas à la cheville. Ils n'étaient pas délirants, ils se sont terriblement ennuyés. Pour la première fois depuis un an et demie, j'ai arrêté d'envier leur groupe d'amis, et l'esprit complètement éclairci, je me suis définitivement tournée vers toi.


:: par leeloo à 17:40 ::
 
 

Mon amour (5)
Toi (2)

Tu m'as dit que tu m'avais repérée un matin en amphi alors que j'arrivais en retard. Que tu m'avais trouvée jolie et que t'avais regretté de ne pas être célibataire. Tu me connaissais toi aussi de vue quand on se croisait par la suite en salle informatique.
Tu m'as dit que tu m'avais trouvée très sympathique quand on a fait connaissance. Que je te paraissais intéressante et que t'espérais pouvoir me connaître davantage. T'as sauté sur l'occasion quand je t'ai dit qu'on gardait le contact par mail.
Tu m'as dit que du coup, ma proposition de colocation était comme un cadeau tombé du ciel. Une opportunité inouïe à côté de laquelle tu ne voulais absolument pas passer.
Tout ça, je ne l'ai su qu'il y a quelques semaines, quand on était déjà ensemble. Quand je t'ai demandé depuis combien de temps, et que tu m'as répondu en souriant "pffffiou... longtemps".
Rien de ce qui s'est passé avant qu'on ne soit ensemble n'a été sans conséquences sur toi. Mais pas une seule fois, tu ne me l'as fait ressentir. Pas une seule fois, tu ne t'es montré amer. Pas une seule fois, tu ne m'as laissée seule, alors que je sollicitais ton amitié quand tu voulais m'offrir plus.
Mon amour, à travers ce post j'aimerais rendre hommage à ta générosité et à ta dignité, à toutes les fois où tu as privilégié mon bonheur aux dépens du tien.


T'aimais beaucoup discuter. On a très vite eu de longues discussions où tu me racontais ton enfance, t'avais tellement d'anecdotes intéressantes, tu me faisais rêver, j'adorais t'écouter, j'adorais ta façon de raconter, c'était vivant, c'était frais, je pouvais passer des heures à t'écouter sans qu'à un seul moment je ne m'ennuie.
Je me souviens qu'un soir, j'avais réservé la clé du labo photo car je n'avais pas fait de tirages depuis longtemps. J'étais seule à la maison, j'étais dans le salon, je comptais y aller en début de soirée, puis t'es rentré à ce moment-là. On a diné ensemble, je crois même que c'est toi qui as fait à manger, et on a discuté, discuté, discuté. Je ne voyais pas l'heure tourner, je savais qu'elle tournait, mais je ne voulais pas savoir, je voulais rester avec toi, t'étais tellement intéressant. Du coup, il était près de minuit quand je suis allée au labo, et je suis rentrée vers 3h.
On discutait à nouveau ensemble ce soir là avant qu'il n'arrive. C'était un vendredi soir, j'étais à nouveau seule à la maison, et je les avais invités à passer. Ils ne sont passés que vers 1h du matin. Entre temps, t'es rentré parce que tu devais partir le lendemain, et tu devais préparer tes affaires. On s'était installé sur le divan, je serrais un coussin contre moi et je t'écoutais parler. Je savais qu'ils allaient passer, d'un coté je les attendais avec impatience parce qu'il était parmi eux, d'un autre j'espérais qu'ils ne passeraient pas car j'étais trop bien avec toi. Déjà à l'époque. On a discuté jusqu'à ce qu'ils arrivent, puis t'es monté préparer tes affaires. J'espérais que tu ne m'en voulais pas d'avoir interrompu notre discussion. Le lendemain, tu m'as laissé un petit mot dans le salon pour me taquiner: je t'avais dit que je me lèverais tôt, mais je ne me suis pas levée avant que tu partes à six heures. Je t'ai envoyé un texto pour te dire que je t'avais entendu te préparer et partir, la preuve que j'étais réveillée. J'en ai profité pour te dire que j'étais désolée qu'on ait du interrompre notre discussion la veille; tu m'as répondu que ce n'était pas grave du tout et que ça t'avait fait plaisir qu'on puisse parler.

Je me souviens comme tu me faisais rire. Tu ne pouvais pas rester sans rien dans les mains. Particulièrement quand on discutait, tu avais forcément quelquechose dans la main. Tu me racontais tes anecdotes, et en même temps t'étais concentré sur l'objet que t'avais dans les mains. L'objet était souvent en longueur et tu t'amusais à l'étendre, à le déplier jusqu'à ce qu'il fasse une ligne parfaite; tu ne t'en rendais pas compte, tu faisais ça machinalement, et tu continuais à parler normalement. Plusieurs fois je n'ai pas pu me retenir de rire. Si bien qu'au bout de plusieurs fois, dès que tu me voyais au bord du fou rire, tu regardais ce que t'étais en train de faire avec tes mains, et on se mettait à rire. Je te trouvais trop mignon, mon amour.

Souvent, je travaillais dans ma chambre plutôt que dans le salon.
Plus tard, tu m'avoueras qu'à chaque fois que je montais, tu regrettais de trop parler. Tu te disais que c'était à cause de toi si je ne restais pas en bas, que tu parlais trop, que tu me faisais fuir. Je te répondrai alors qu'effectivement je montais parce que j'étais moins distraite en haut, mais pas parce que tu me faisais fuir, mais parce que quand tu étais là, j'appréciais tellement ta présence que je ne pouvais pas m'empêcher de te parler.


Un soir, au début de la colocation, tu travaillais sur la table du salon, je travaillais sur le divan. Déjà à l'époque, on se distrayait rapidement, et je ne sais plus comment, le sujet de ta copine est venu sur le tapis. C'est à ce moment là que j'ai appris avec surprise que, de ton point de vue, ça n'allait plus entre vous, que plus tu la connaissais et moins tu ne te voyais rester à long terme avec elle.
Ce n'était pas une très longue discussion (relativement à nos discussions habituelles) parce que t'y as coupé court après m'avoir donné une explication ponctuée d'exemples, et que je ne voulais pas t'embarrasser.
Par la suite, j'ai continué de faire comme si c'était une crise passagère, et qu'au fond ça allait encore bien entre vous. T'as également continué à faire comme ça, à parler d'elle comme si tout allait bien, et à ne pas évoquer vos problèmes de couple.
Puis c'est à nouveau revenu.
T'as poussé un petit soupir significatif à son évocation, et j'ai compris à ce moment là que tu voulais en parler, mais que par pudeur tu n'osais pas. Tu m'expliqueras plus tard qu'effectivement c'était un peu par pudeur, mais aussi parce que tu ne voulais pas me déranger avec ça. Alors je suis allée te chercher, et c'est à partir de là qu'on a parlé de choses plus personnelles.

En t'incitant à me parler de ce que t'avais sur le coeur, j'espérais t'apporter quelquechose, te soulager, t'aider. J'avais peur que tu me trouves trop curieuse, ou que tu sois gêné à chaque fois que je te demandais si ça allait mieux avec elle.
Mais plus on parlait, et plus je me rendais compte que t'appréciais ça, que t'en avais besoin, que c'était confus dans ta tête et que je pouvais t'apporter un avis objectif sur la situation.
Nos discussions sont devenues vraiment très personnelles et privées après ma rupture. C'était une période au cours de laquelle mes sentiments s'entremêlaient car j'avais trop peu de réponses à trop de questions. Je te sollicitais énormément, et en me parlant, t'as pu constater que ta situation était la même que la mienne. Que tu restais avec elle par habitude, que tu culpabilisais de vouloir rompre et de la laisser seule, que tu ne te voyais pas mettre fin à une si longue relation où chacun avait pris ses marques, mais qu'au fond de toi tu savais que vous finiriez par vous rendre malheureux mais que tu ne trouvais pas le courage de franchir le cap. J'ai profité de mon expérience récente pour t'aider à mettre les choses au point. Pour t'expliquer que ce qui était traitre, c'étaient les souvenirs, car ils te rappelaient que vous pouviez passer de bons moments, et ils te laissaient dans l'illusion que ça pouvait continuer. T'as réalisé que j'avais mis le doigt là où il fallait. T'as réalisé énormément de choses sur ton couple au cours de ces discussions. Tu m'as dit qu'au fond tu tenais encore à elle, que tu voulais encore être là pour elle, l'aider quand elle avait besoin de toi. On est passé par les mêmes étapes mon amour. C'était de l'amitié. Tu éprouvais de l'amitié pour elle. Je te l'ai dit, tu n'as pas parlé pendant un moment, puis t'as hoché la tête, tu m'as dit que j'avais raison, que tu n'avais jamais vu ça comme ça, mais que toute l'affection que tu avais pour elle, tu l'avais en tant qu'ami.
On discutait beaucoup en bas quand il n'y avait personne, et on se taisait quand ils arrivaient. Parfois je nous enfermais dans ta chambre ou je t'invitais dans la mienne pour que l'on puisse discuter. T'étais à l'aise avec moi et ça me faisait plaisir. Je me souviens comme au début tu parlais à demi-mot, tu faisais comprendre que ça n'allait plus, tu soupirais, tu coupais court aux conversations sur le sujet qui dépassaient trois phrases. Tu t'étais complètement ouvert, tu me disais des choses directement, tu savais que je ne te jugerais pas, tu savais que je te comprendrais. Merci de m'avoir fait confiance, mon amour.


Au début de la colocation, quand tu m'as dit que ça n'allait plus entre ta copine et toi, je t'ai dit que moi non plus ça n'allait plus entre mon copain et moi. On se posait les mêmes questions à ce moment là, on vivait les mêmes histoires, d'ailleurs on a toujours vécu les mêmes histoires. Je t'ai très peu parlé de lui parce que dans ma tête c'était clair, j'allais rompre.
Je t'ai plutôt parlé de lui.

Ce n'étaient que des sous-entendus au début, je n'arrivais pas à en parler. J'en avais juste parlé à elle, notre troisième coloc fille, mais je commençais à vouloir en parler autour de moi parce que je savais que ça n'en resterait pas là.
J'étais très perturbée par la situation, je ne savais plus quoi faire de mes sentiments, je me posais beaucoup de questions et j'en avais marre de me prendre la tête, alors je buvais beaucoup pour oublier, je buvais mais j'en avais honte, tu ne me le montrais jamais, tu restais gentil avec moi, normal, mais je ne pouvais pas m'empêcher de me dire que je te donnais une très mauvaise image de moi, alors je te disais que ce n'était pas dans mes habitudes, que j'avais du mal à faire face à certaines choses et qu'il me fallait un échapatoire. Tu m'as dit, très calmement comme à ton habitude, avec un petit sourire pour te montrer rassurant, que tu ne voyais pas ce qu'il y avait de grave dans le fait que je donne une mauvaise image de moi. Je t'ai dit que je ne voulais pas que t'aies cette image de moi. Tu m'as dit que je ne te faisais pas mauvaise impression, mais qu'au lieu d'oublier je devais plutôt trouver des solutions. Je t'ai dit que j'essayais mais que je n'y arrivais pas.
Tu me diras plus tard que tu n'aimais pas me voir me détruire. Tu n'aimais pas me voir boire pour oublier. Je te donnais donc vraiment une image de moi qui ne te plaisait pas. Mais c'était pour moi. Tu te fichais de la façon dont tu me voyais mon amour, tu t'inquiétais juste pour moi.

Je t'ai dit ce soir là qu'il y avait des gens qui me faisaient du mal, je n'ai pas pu en dire plus par pudeur, par manque d'habitude, je t'ai juste dit que j'hésitais à aller en cours le lendemain parce que j'allais voir ces gens là et je ne pouvais plus le supporter.
J'ai finalement été en cours. Mais j'ai changé de place au début du cours pour ne pas être juste derrière eux, pour ne pas les voir. Ca m'a donné du courage de me dire que je pouvais ne pas subir. C'est ce soir là que j'ai décidé d'en parler.

C'est toi le premier coloc homme à qui j'ai parlé. Je parlais à elle, notre coloc tu sais laquelle, quand elle m'a dit que je devrais te demander conseil à toi. Je comptais effectivement le faire. J'avais peur de te déranger, je ne t'avais jamais vraiment parlé de choses très personnelles, je ne savais pas comment tu le prendrais.
Il y avait beaucoup de colocs en bas, dans la cuisine et dans le salon. On s'est retrouvés un bref moment seuls toi et moi dans le salon, je t'ai demandé si t'aurais un peu de temps à me consacrer quand on serait seuls. On a eu du mal à être seuls. Il y avait toujours quelqu'un. J'avais mal au ventre, je stressais, je savais que j'allais tourner à droite très prochainement, je savais que si je trouvais le courage ce serait le lendemain.
On a fini par être seuls. Je me suis installée en face de toi dans le salon, et il y a eu un gros silence. Je ne savais pas comment aborder le sujet. C'était difficile d'aller chercher au fond de soi des sentiments refoulés pendant un an et demie et de les exposer. Tu ne m'as pas lachée du regard, tu me souriais, tu voulais te montrer rassurant, tu voulais me faire comprendre que t'étais disposé à m'écouter mais que tu me laissais le temps qu'il me fallait pour me lancer, que tu avais le temps, que je pouvais prendre le mien, que je ne devais pas m'inquiéter, que tu étais là, que tu resterais là. Tu ne t'es jamais impatienté, t'es resté calme, présent, rassurant, et je me suis lancée.
Je t'ai dit que j'avais quelqu'un en vue, et que tu pouvais peut-être deviner de qui il s'agissait. Tu m'as fait plaisir à ce moment là, parce que tu m'as dit que tu m'avais vue changer de place en amphi, et que du coup tu te doutais de qui il s'agissait. Tu m'as fait plaisir parce que tu donnais toujours l'impression d'être à fond sur ton pc en cours, alors qu'en fait t'avais fait attention à moi, t'avais fait attention à ce que je t'avais dit la veille, t'avais fait le lien entre les deux.
Je t'ai raconté nos délires, l'effet qu'il me faisait, la situation dans laquelle j'étais. Je t'ai raconté l'épisode de la photo. Elles m'avaient dit que c'était bon signe, mais c'étaient des filles. Je voulais un avis de garçon, je savais que tu me parlerais franchement, je pensais que tu mettrais fin à mes illusions, que grâce à toi j'arrêterais d'espérer sans raison. Il y a eu un silence pendant un moment, tu as réfléchi à ce que je t'ai raconté, puis tu m'as dit "si j'avais fait ça pour une fille, c'est que j'avais une idée en tête".
Je n'arrivais pas à y croire.
Tu venais de me dire que c'était positif. Toi si posé, toi si franc, toi qui évaluais si bien les situations, tu venais de me dire que c'était positif.

Tu m'as dit que j'avais une chance avec lui, alors tu avais déjà des vues sur moi.
Tu m'as écoutée te parler de lui pendant deux heures.
Tu m'as donné des conseils pour que je réussisse à lui dire ce que j'avais sur le coeur.
T'as lu le texto que j'allais lui envoyer pour me dire si c'était bien.
T'as laissé ta porte de chambre ouverte quand j'attendais sa réponse, comme pour me dire que t'étais disponible.
J'ai sauté dans tes bras quand j'ai reçu sa réponse, et t'as répondu à mon étreinte.
Le lendemain, vous m'avez tous vue stresser à tour de rôle et tu m'as dit avant de partir que c'était marrant comme on réagissait tous de la même manière dans ces situations, et que tu te demandais si tu n'aurais pas été pire. Tu m'as fait comprendre que je n'étais pas pitoyable contrairement à ce que je pensais, tu m'as rassurée, tu m'as redonné du courage, tu ne m'as pas enfoncée davantage.
Tu m'as écrit dans l'après-midi pendant ton cours pour me souhaiter bon courage parce que tu savais que j'allais bientôt le voir.
T'as continué à me donner des conseils jusqu'à ce que je le voie.
Tu m'as dit que dans le pire des cas, vous seriez là pour me ramasser.
Tu m'as dit "bon courage et sois heureuse".
Quand je suis revenue et que je vous ai tous envoyé un texto pour vous dire qu'il ne s'était rien passé mais que j'avais pu lui parler alors ça allait, tu m'as demandé si c'était vrai.
T'as continué à être présent quand j'attendais sa réponse pendant les vacances.
Une fois sur msn, j'avais un pseudo ambigü que tu as pris pour une réponse positive; tu m'as dit que tu étais content pour moi et que tu me souhaitais d'être heureuse.
Tu n'as pas arrêté d'être là pendant ce mois où j'ai attendu vainement sa réponse.
Plus le temps passait et plus ça s'annonçait négatif, t'as arrêté de me donner de l'espoir pour ne pas que je me fasse d'illusions, mais tu ne me l'a jamais dit clairement pour ne pas me blesser.
Ce n'est que quand je te l'ai demandé que tu m'as répondue explicitement; même là tu l'as fait avec tact, pour ne pas me blesser, sans essayer de me dégoûter de lui.
Tu m'as dit qu'il fallait que je fasse le point avec lui pour être sûre.
Je vous ai dit que je voulais l'inviter à prendre un verre à la maison, mais que je ne voulais pas qu'elle, cette garce, s'incruste. Tu m'as dit que tu lui proposerais un rendez-vous pour travailler votre projet et l'occuper. T'étais prêt à sacrifier ton temps libre pour travailler avec elle juste pour moi.
C'est toi qui m'a donné le courage de faire un nouveau pas vers lui.
Pendant un mois, je n'étais pas bien à cause de lui; à chaque fois que je rentrais le week-end, j'avais besoin de ta présence, je t'écrivais des longs longs mails dans lesquels je te parlais beaucoup de lui. Tu me répondais toujours avec des longs mails pleins de bon sens. J'avais besoin de me confier, j'avais besoin de me libérer. Je ne savais pas. Tu me rassurais, alors je me tournais vers toi. Je ne savais pas. J'ai relu mes mails ces derniers jours, je t'ai dit énormément de choses personnelles, sur les sentiments que j'avais pour lui, sur l'état dans lequel j'étais par sa faute, sur toutes ces blessures qu'il avait ouvertes et que personne ne pouvait panser. Je ne savais pas. J'espère que je ne t'ai pas fait de mal. J'espère que tu n'as pas cru que tu n'étais rien pour moi. J'ai été stupide, mon amour... J'ai été aveugle.

Les choses ont changé le 12 mai. Le vendredi 12 mai.
Ca me fait doucement rire ces coïncidences.
Je le savais, je l'avais vu venir, que cette année le 12 mai tombait un vendredi.
Comme en 2000.
Comme "le plus beau jour de ma vie".
Je l'avais vu venir. Mais je ne pensais pas qu'une nouvelle fois, l'amour tomberait dru ce jour là.

J'y avais réfléchi la veille. J'avais un examen le lendemain, on avait d'ailleurs tous cet examen le lendemain; je révisais dans ma chambre, j'étais toujours mal à cause de lui et je préférais m'isoler. Je ne vous avais jamais expliqué comment s'était passé mon rendez-vous avec lui, comment c'était devenu négatif, je n'ai jamais trouvé le courage de remettre les pieds sur ce terrain, mais après tout ce que vous aviez fait pour moi, je vous devais au moins la fin de l'histoire.
J'ai réfléchi à la manière dont je le ferais. J'irais à notre examen le matin, j'irais au cours suivant, et je prendrais directement le train pour Paris, sans rentrer à la maison. J'avais besoin de quitter Compiègne qui était chargé de souvenirs douloureux. Avant d'aller à l'examen, je laisserais un petit mot dans la cuisine.
C'est ce que j'ai fait.
J'ai écrit "Pas du tout vaut mieux que trop tard. Trop en dire vaut mieux que pas assez".
J'espérais que vous comprendriez.
Les autres colocs ne le savaient pas, ils avaient examen en même temps que moi, ils m'attendaient à la porte quand je suis allée coller mon mot.
Toi tu avais examen l'après-midi, alors t'étais à la maison, t'as trouvé mon mot, et tu m'as écrit pendant mon cours.
Au début, tu n'avais pas compris le sens caché, alors je t'ai expliqué que je partais de Compiègne parce que cette ville me rappelait trop de choses. Vous ne vous en étiez pas rendus compte parce que je ne voulais plus en parler, mais après sa réponse, tout m'insupportait, tout était douloureux, et parfois vous parliez de sujets anodins qui me faisaient terriblement mal car ils me rappelaient des choses qu'on avait vécues lui et moi. Je t'ai alors dit dans ce même texto, que des gens me faisaient du mal sans le savoir.

J'ai été surprise que tu ne me répondes pas aussi vite que d'habitude.
En fait, un mail de toi m'attendait à mon retour. T'y disais que mon texto t'avait déconcerté, que t'avais peur de faire partie des gens qui me faisaient du mal sans s'en rendre compte, que tu ne faisais que supposer car je ne disais pas les choses explicitement, que tu ne pouvais qu'attendre que j'en parle, que je ne devais pas hésiter à te parler franchement, que t'étais ouvert à toute discussion car j'étais quelqu'un que tu appréciais énormément et que tu ne voulais pas me faire de mal.
J'étais à mon tour déconcertée par ton message. Je me refusais à comprendre où tu voulais en venir, je me disais que je m'imaginais sans doute plus de choses qu'il ne fallait, et de toute façon je ne voulais plus réfléchir, je voulais juste souffrir en paix, alors je t'ai dit de ne pas t'inquiéter, que tu ne faisais pas partie de ces personnes et qu'au contraire, t'étais celle qui me rassurait le plus et que si tu n'avais pas été là, ça faisait un bout de temps que je serais repartie à Paris.
Tu m'as remerciée de ma réponse, et tu m'as dit que ça te rassurait... un peu.

Je crois bien que j'ai souri.
Je crois bien que depuis ce jour, j'ai continué à sourire.
Qu'on a commencé une nouvelle relation, un nouveau jeu.
A base de sous-entendus qui n'en avaient même pas l'air.
A base de douceurs, de gentillesses mutuelles.
Je crois qu'on s'entendait trop bien pour que j'y voie autre chose que de l'amitié.
Je crois qu'on s'accordait trop bien pour que je m'imagine pouvoir être avec toi.
Je crois que t'étais trop parfait à mon goût pour pouvoir être plus qu'un ami.
Du coup, je n'ai jamais envisagé qu'on puisse se mettre ensemble.
Je n'ai pas été chercher plus loin que ce qui était en surface; et en surface, il y avait l'amitié que tu m'offrais, la confiance que tu m'accordais, et lui. En surface, il y avait lui; en profondeur, il y avait toi. J'étais trop fatiguée à ce moment là pour chercher.
Ton "un peu" m'a déconcertée. J'étais certaine de comprendre. Ou pas. Je ne voulais pas. Je n'osais pas. Je n'étais de toute façon pas prête. J'étais fatiguée. Je ne cherchais plus. Je voulais juste qu'on me laisse souffrir, me laisser aller. Je n'ai pas cherché à aller plus loin, mais inconsciemment, quelquechose avait bougé en moi. Je n'étais plus triste. J'étais encore déçue, j'étais encore sous le choc, mais je n'étais plus effondrée. Je restais assise parce que j'étais fatiguée, mais si j'avais voulu, j'aurais pu me relever facilement.

Puis t'as rompu avec elle. Une fois, deux fois, trois fois. En une semaine.
Un soir où je suis allée te réconforter après une rupture qui s'est mal déroulée, tu m'as avoué tes sentiments pour moi.
Je ne savais plus quoi faire.
Je savais que j'y pensais souvent.
De nombreuses fois.
Tu m'attirais, je t'adorais, le mélange était explosif, je pensais que c'était passager.

Je me souviens de la soirée du 7 mai. On avait organisé cette soirée parce que Mag était venue à Compiègne; on en a profité pour inviter tous nos amis. Moi j'avais attendu jusqu'à là pour lui demander une réponse, j'espérais qu'il le ferait au cours de la soirée. Mais il ne l'a pas fait. J'étais à côté de toi quand il est parti. On jouait aux cartes avec tes amis, et ils étaient venus regarder, il a été très sympa avec moi, mais il ne s'était rien passé et il était parti. T'as été adorable quand il est parti, t'as toujours été assez discrêt, en particulier devant tes amis, mais tu m'as regardée avec beaucoup de douceur, et tu m'as demandé "ça va?". T'avais un petit sourire qui se voulait compatissant et rassurant, à travers lequel tu m'avais fait comprendre que t'imaginais que non, que tu comprenais, que t'étais là, que tu ne me laisserais pas seule, que tu m'aiderais à me relever si je m'effondrais. Je t'ai dit "non" en souriant, je ne voulais pas dramatiser, j'étais désarmée, vaincue, mais résignée.
J'ai demandé à notre autre coloc homme de me servir à boire, il a bien corsé le mélange et l'alcool a vite fait son effet. Je parlais peu parce que j'étais encore sous le choc, mais je me collais beaucoup à toi, tu me rassurais alors je voulais être près de toi. Je posais ma tête sur ton épaule, puis je la retirais. Je la posais à nouveau après. Et je la retirais. Aucun de vous n'étiez bourré. Ni toi, ni tes amis. Vous assistiez tous à la scène avec la plus grande lucidité. Si j'avais été lucide, je me serais dit que ça pouvait te gêner. Mais je ne l'étais plus, alors je me suis affalée sur ma chaise et j'ai posé ma tête sur tes genoux. J'ai continué à jouer aux cartes comme ça. Je me souviens même avoir gagné. En attendant que vous finissiez vos cartes, j'ai fermé les yeux, j'étais fatiguée physiquement et psychologiquement, j'étais bien sur toi, et à un moment, je t'ai senti me caresser les cheveux. Ca a duré une petite minute, ça m'avait beaucoup apaisée.
A la fin de la soirée, quand je suis montée me coucher, j'étais à moitié lucide, et ce n'était plus tellement à lui que je pensais, c'était à toi. J'avais des frissons en repensant à ta main dans mes cheveux. J'avais à nouveau ces frissons quand j'y ai repensé le lendemain, alors que j'étais cette fois complètement lucide. Tu m'avais caressé les cheveux alors que vous étiez tous lucides, et que tous tes amis étaient là, te voyaient. Ca avait sans doute paru naturel au moment où tu l'as fait, car t'arrivais à faire en sorte que tout ce que tu faisais paraisse naturel, mais je savais que ça ne l'était pas au fond de toi, pour te connaître.
Ca m'avait touchée. Tu me diras plus tard que tu savais parfaitement ce que tu faisais, que la présence de tes amis t'importait peu, et que t'avais juste peur de m'embarrasser moi.

Je me souviens également de la soirée du 16 mai. C'était après les mails du 12 mai, après la réponse négative du 9 mai. J'avais rendez-vous avec mon binôme et il était en retard. En attendant, je n'avais rien à faire et je m'amusais à t'arroser par la fenêtre. Toi tu me lançais des petits cailloux, et t'avais réussi à en faire rentrer un dans mon décolleté. Alors t'as essayé d'en mettre d'autres. Puis mon binôme est arrivé et on s'est enfermé dans ma chambre pendant deux heures.
J'entendais la porte d'entrée s'ouvrir et se fermer, je savais que nos colocs voulaient sortir, je pensais que t'irais avec eux, mais à un moment t'as frappé à ma porte et tu nous as proposé du thé. Tu me diras plus tard que c'était parce que tu voulais me voir. Moi j'étais contente de te voir, j'ai même dit à mon binôme que t'étais adorable.
Quand il est parti, j'ai réalisé que t'étais le seul à être resté, tu m'as dit que t'avais pas eu envie de sortir. T'avais mis ta polaire grise, t'avais froid, t'étais trop beau, j'avais trop envie de te réchauffer. Je t'ai proposé une bière, on a un peu parlé, puis les autres sont rentrés, et ils ont pris une bière avec nous. Ils sont montés petit à petit, et on a recommencé notre jeu. T'as essayé de mettre des capsules de bière dans mon décolleté, et moi je te laissais faire. Elle était là, notre coloc, tu sais laquelle, elle faisait semblant de ne rien voir, mais elle souriait intérieurement, elle me le dira plus tard.
Puis on est monté parce qu'il se faisait tard, je me brossais les dents et t'es venu m'embêter, je ne sais plus ce qu'on essayait de se faire, je crois que j'essayais de t'arroser, en tout ca c'était très physique, et t'as fini par me pousser dans la baignoire. T'étais penché sur moi, je ne pouvais plus bouger, et t'as pris l'arrosoir pour me menacer. On était morts de rire, en silence parce qu'on ne voulait pas réveiller les autres. J'étais trop bien dans cette position, si je n'avais pas été en train de me brosser les dents, je crois que j'aurais sérieusement envisagé de t'embrasser.
Tu me diras plus tard que tu m'aurais bien arrosée à ce moment là. Je te répondrai que je t'aurais alors entrainé avec moi dans la baignoire. Tu me diras que dans ce cas, tu m'aurais embrassée. Je te répondrai que je n'attendais que ça.

Alors quand tu m'as avoué les sentiments, je ne savais plus où j'en étais.
Je savais que je souffrais toujours pour lui, du coup je ne savais pas si j'avais encore des sentiments pour lui.
Je savais aussi que tu m'attirais énormément, que tu m'apportais énormément, et que je t'appréciais comme je n'avais jamais apprécié personne avant toi.
Je savais que j'avais envie de sortir avec toi, mais je n'étais pas sûre de mes sentiments pour toi. Je savais que tu avais des sentiments assez forts pour moi, et je ne voulais pas jouer avec. Je ne voulais pas être malhonnête avec toi, je voulais être sûre de ne pas te faire souffrir avant de commencer quoi que ce soit avec toi.
Je n'ai jamais fini la bière qu'on a prise à ce moment là.
Je t'ai demandé du temps, t'as accepté.

T'as culpabilisé pendant deux jours. C'était moi qui te faisais attendre, et c'était toi qui culpabilisais. Tu t'excusais de m'avoir mise dans l'embarras, de m'avoir mise dans cette situation alors que je n'avais pas besoin de ça. T'étais bête mon amour, c'est grâce à ça que ma vie, non seulement a arrêté d'être grise, mais en plus a commencé à être belle.
Je me souviens que le lendemain, tu travaillais en face de moi dans le salon. Elle, tu sais laquelle, était à côté de moi, t'avais dit une bêtise et elle te provoquait avec ça. J'avais alors pris ta défense, et elle s'était tournée vers moi pour me dire "arrête de prendre sa défense, c'est moi qui t'aime, pas lui!".
On s'est tus tous les deux, et il a fallu que je trouve quelquechose à dire pour rompre le silence.
On rira plus tard de ce moment.

Elle s'est rattrapée le lendemain en m'aidant à mettre de l'ordre dans mes idées.
C'était sûr à ce moment-là.
C'était toi que je voulais.
Je te l'ai fait comprendre pendant toute la soirée. J'étais gentille avec toi, j'étais complice avec toi, je voulais que tu voies que rien n'avait changé entre nous, et que si rien n'avait changé, alors que le matin même j'étais encore complètement chamboulée, c'était bon signe. J'allais vers toi, je te proposais de partager ma bière, je te provoquais aux cartes, je voulais que tu le comprennes, que tu n'avais plus à avoir peur, que ta réponse t'allais l'avoir, que ce n'était plus une question de temps mais de moment.
Tu m'as écrit le soir pour me remercier d'être moi. T'étais plein d'enthousiasme. Tu m'as dit de ne pas te demander pourquoi.
Je t'ai répondu que j'avais envie de te demander pourquoi, mais que j'avais aussi envie d'imaginer pourquoi.
Plus tard, on saura qu'à ce moment là, on s'était bien compris. On s'était toujours bien compris. T'avais bien compris que si j'allais vers toi, c'était parce que c'était positif. Tu n'osais pas y croire, tu te disais que compte tenus de tes sentiments, t'étais sans doute en train de te faire des films. J'avais bien compris que dans ton message, tu me remerciais d'aller vers toi. Je n'osais pas y croire, je me disais que compte tenue de ton absence de réaction, j'étais sans doute en train de me faire des films. T'avais bien compris que si j'avais envie d'imaginer pourquoi, c'était parce que j'avais compris pourquoi tu me remerciais.
Si on s'est tant manqués ce soir là, c'était parce qu'on était tout près du but.


:: par leeloo à 14:25 ::
 
 
mardi, juillet 04, 2006

Mon amour (4)
Toi

On n'a pas arrêté de se perdre, mais on est arrivé tant bien que mal. On a traversé pas mal de petites villes pour arriver à destination. On a très peu parlé dans la voiture, chacun tapait le rythme des chansons qui passaient, mais personne n'a parlé. Je ne sais pas à quoi ils pensaient. Je ne sais pas à quoi tu pensais. Moi je pensais à toi. J'étais contente que tu sois venu avec nous. J'avais peur qu'une nouvelle fois tu ne restes pas avec nous. T'avais ton groupe d'amis et moi le mien, ça aurait été normal que tu les rejoignes.
Tu m'avais dit une fois que je ne devais pas avoir peur de dire ce que je voulais, parce que si t'avais su que je voulais passer ma soirée avec toi, tu ne serais pas allé chez ta copine.
Je me disais alors que ce soir si tu t'en allais, je te demanderais de rester avec nous.
Mais tu ne l'as pas fait.



On ne s'est vraiment connus que ce semestre. On s'était rencontrés à la fin de l'année dernière, on a sympathisé, puis t'es parti faire ton semestre de stage à l'étranger. On a continué à s'écrire un mail tous les mois parce que je t'avais dit qu'on garderait le contact, ce que tu n'as pas hésité à me rappeler.

On aurait pu ne jamais se rencontrer. On n'avait aucun td en commun à l'époque, on n'avait aucun td en commun ce semestre, on ne fréquentait pas les mêmes personnes, on ne faisait pas partie des mêmes associations.
Le hasard nous a donné un coup de pouce.
Il nous a submergés de travail. Il nous a donné des binômes inefficaces. Il nous a fait choisir des appartements sans connexion à internet au début de l'année.
Du coup, chacun avec son PC, on restait travailler à l'école, dans l'une des salles informatique presque désertes. Presque, parce que dans celle où j'allais, t'étais là.
T'étais souvent installé à l'entrée de la salle, je passais devant toi, je te voyais, je te connaissais juste de vue, et je m'installais au fond.
Tous les soirs.
On venait finir notre projet en retard, on venait finir la partie de nos binômes inutiles.
Un soir, on a fini par se parler. Ca crée des liens d'être dans la merde.
Je me souviens qu'on faisait la même partie du projet. On en est venus à discuter de notre travail, de notre projet, de nos binômes, des autres matières, de nous, de tout. C'était un plaisir de te retrouver le soir pour travailler, c'était un plaisir de te croiser dans la journée. J'avais l'impression de te surprendre à chaque fois que je te faisais la bise. T'étais tout le temps de bonne humeur, t'illuminais mes journées. Tu n'étais plus le copain de la petite chinoise, tu étais le jeune homme de la salle info.
On s'est demandé pendant un an pourquoi on avait choisi de ne pas être connecté au monde. Ca répond à ta question, mon amour?

Je me souviens qu'un jour j'ai reçu un mail de toi, dans lequel tu m'expliquais dans les moindres détails comment installer le client pour accéder de l'extérieur aux sessions internes de l'école. Je me souviens, j'étais gênée, t'avais fait ça gratuitement, t'attendais rien en retour, je ne savais pas comment te remercier, je ne savais pas remercier pour un service gratuit, t'étais gentil naturellement, je te trouvais adorable, je n'avais jamais rencontré de garçon aussi gentil que toi.
Quelques jours plus tard, je travaillais avec elle, notre future coloc, tu sais laquelle, quand t'es venu me dire bonjour. On s'est fait la bise rapidement, on n'a pas beaucoup parlé, tu me diras un an plus tard qu'à ce moment là t'étais gêné parce que t'avais peur de nous déranger, en plus tu t'en voulais parce que tu voulais aussi discuter avec elle, ne pas paraître associal, mais tu n'as pas su quoi dire sur le coup. Qu'est-ce que t'es mignon mon amour.
Quand t'es parti, je lui ai dit que t'étais trop gentil.
Je m'en souviens encore, je m'en souviendrai toujours, elle m'a regardée surprise, et elle m'a demandé "il a pas déjà une copine?".
Il a fallu que je lui explique qu'il n'y avait rien, que je te trouvais juste gentil, qu'il n'y avait rien de plus.
Tu crois qu'elle avait flairé quelquechose?
Tu crois que le hasard lui a soufflé son secret dans l'oreille?

On s'est croisé une dernière fois avant les vacances. On n'était pas sûr que ce serait la dernière fois, mais dans le doute, je t'ai dit à ce moment là qu'on gardait le contact. C'est marrant, je ne dis pas souvent ça, parce que je sais que je suis déplorablement irrégulière en mails. J'ai du mal à me souvenir exactement pourquoi je t'ai dit ça. Je sais que tu m'attirais un peu, mais c'était gentil, je ne te connaissais pas assez pour que ce sentiment se développe, mais tu m'avais conquise par ta générosité et ton ouverture d'esprit, je voulais être ton amie c'était sûr, mais au fond tu m'attirais un peu, je ne te connaissais pas suffisamment pour envisager quelquechose avec toi, mais tu m'attirais suffisamment pour que j'aie envie de t'embrasser. Je crois même qu'un après-midi, mon subconscient a parlé.
Je crois que ta présence me rassurait déjà à l'époque. Mais ça n'allait pas plus loin, car t'avais ta copine, et inconsciemment, je m'imposais des limites.


Je l'ai dit au-dessus, je ne brille pas en régularité pour garder le contact par mail. Tu m'as écrit le premier.
C'était en Août, c'était mon dernier jour à Hong Kong et je n'ai pas eu le temps de te répondre. Je me demande si c'était cette fois ci, je crois que ça devait être cette fois ci, où je t'ai répondu un mois plus tard. D'ailleurs par la suite, on ne s'écrivait que tous les mois.
Tu m'avais raconté ta vie car tu ne savais pas quoi me dire. Je te remerciais de me raconter ta vie car ça signifiait que tu voulais qu'on garde le contact, peu importait comment. Je te trouvais trop mignon, tes mails étaient toujours longs, ça faisait plaisir, du coup les miens aussi.
Je t'ai parlé de mon copain dans l'avant-dernier mail qu'on s'est échangé en quatre mois (c'est-à-dire le quatrième), de ma relation à distance. Tu m'avais demandé comment on arrivait à tenir la distance, car ta copine et toi aviez du mal à le supporter.
Je n'ai jamais répondu à ce mail. C'était la grosse période où on déployait notre projet de stage, où on finalisait en catastrophe nos travaux, où on faisait des heures supplémentaires inimaginables.
Puis il a fallu penser au logement du semestre à venir.
Encore une fois, ça a tenu à un fil.

Elle, tu sais laquelle; elle, l'autre; et lui, on voulait se mettre en colocation ensemble. J'avais regardé "l'auberge espagnole" pendant les vacances, et je rêvais nuit et jour de cette colocation. Elle, la troisième elle, cherchait aussi un logement. Elle nous a dit qu'elle avait un duplex pour cinq personnes qui se libérait. Alors on s'est dit que ça pouvait être sympa d'être avec elle.
On est allé tous les quatre, sauf elle (la troisième) parce qu'elle était à l'étranger, visiter l'appartement qui nous a plu. Le problème, c'est qu'il était très très loin de notre lieu de cours, et qu'on savait que la distance aurait un impact important sur notre motivation à assister à certains cours isolés.
On a donc continué à chercher des logements pour cinq personnes, ce qui était une tâche particulièrement difficile car les seuls qui étaient à louer, n'étaient pas à louer à des étudiants.

Le hasard avait fait tomber l'équivalent de deux hivers sur la ville ce jour là.
Au bout de la cinquième agence, on avait très froid. Elle, tu sais laquelle, a décidé qu'à l'agence suivante, on poserait plus de questions qu'il ne fallait pour rester plus longtemps au chaud.
On a donc commencé à poser des questions inutiles, quand une agent est sortie de son bureau et nous a proposé d'investir. De fil en aiguille, elle a fini par nous avouer que sa maison correspondait à nos critères et qu'elle était à louer. Et surtout, elle était sur la rue de notre école, à deux minutes.
On est allé la visiter quelques jours plus tard, et on a décidé que ce serait elle.
Ce ne serait plus le duplex.
Ce serait la maison.
Seulement, il y avait six chambres.

On nous a dit qu'il n'était pas nécessaire de trouver un sixième coloc. Du coup, on n'a pas cherché.
Quelques jours plus tard, on a appris que si on n'avait pas à chercher de dernier coloc, c'était parce qu'elle nous en trouverait un d'office.
On ne voulait pas être avec un inconnu, alors on s'est dépêché de trouver quelqu'un.
J'avais beaucoup d'amis à l'époque qui ne demandaient qu'à être logés.
Une amie en particulier, nous avait demandé de la tenir au courant si on avait une chambre supplémentaire. C'est elle qu'on a appelée en premier, mais elle avait déjà trouvé quelquechose.
Quelle chance.
Il nous restait un week-end pour trouver un sixième coloc. C'était peu. C'était juste.
Je ne sais pas comment j'ai pensé à toi, on se connaissait à peine, on s'envoyait un mail par mois, j'avais des tas d'amis qui cherchaient un logement, mais c'est toi que j'ai contacté.
Pire, je n'ai contacté que toi.
Tu étais à l'étranger, on avait un décalage horaire de six heures, je savais juste que tu lisais tes mails au moins une fois par mois, je n'avais aucune garantie que tu me répondrais vite, mais j'ai pris le risque, je ne t'ai écrit qu'à toi.
Et comme si ça ne suffisait pas, j'ai stoppé les démarches des autres colocs quand tu m'as répondu quelques heures plus tard.
Tu m'avais répondu très vite.
Mais moi je ne t'avais pas écrit assez vite.
Ton mail me disait que c'était vraiment un coup de malchance: t'étais carrément partant, mais tu venais juste (dans la journée) de demander à contre-coeur à ton père d'envoyer ta demande de logement en résidence universitaire, parce qu'étant à l'étranger tu n'avais aucun moyen de chercher un appartement, et étant donnés les délais, tu n'avais plus le choix. T'étais trop dégoûté, t'étais très tenté par cette colocation, mais c'était le week-end, tu ne savais pas si tu parviendrais à arrêter la procédure à temps, car une fois que le dossier était envoyé, t'étais engagé. Je t'ai dit qu'il nous fallait absolument la réponse pour mardi, faute de quoi la proprio nous chercherait son propre sixième locataire. Tu m'as dit que tu comprenais, et que tu ne voulais pas compromettre nos recherches, qu'on devait continuer à chercher, que tu te débrouillerais. Combien de personnes dans ce monde aurait réagi comme toi?
Ce n'était même pas ta faute.
C'était la nôtre, on s'y était pris trop tard.
Alors j'ai joué à un jeu dangereux.

Je t'ai dit que je comptais sur la chance, et j'ai écrit aux autres colocs.
Je leur ai dit d'arrêter leurs recherches, que j'avais trouvé le coloc idéal.
Oui le coloc idéal.
Je leur ai expliqué ta situation, et je me suis engagée à leur trouver un coloc de secours si ça foirait de ton côté.
Je prenais des risques, je faisais prendre des risques à tout le monde.
Il m'a incendiée, quelquechose de bien. Tu le connais, tu sais comment il est.
Je ne sais toujours pas pourquoi, je voulais être en coloc avec toi. Je te savais gentil, mature et responsable, donc pour moi tu étais forcément le coloc idéal.

Tu m'as fait stresser tout un week-end mon amour.
J'ai pensé aux colocs de rechange qu'il pouvait y avoir. Dire que j'ai pensé à elle.
Tu sais, elle.
Cette garce.
Heureusement qu'elle avait déjà un logement.
Heureusement qu'étant à l'étranger, elle s'était dépêchée de prendre un logement en résidence universitaire.
Heureusement qu'il était trop tard pour elle d'arrêter la procédure.
Quelle coloc infernale on aurait eu. Sans toi et avec elle.

C'était lundi matin, j'étais au travail, il était 9h pile, mon portable a vibré. Tu venais de m'envoyer un mail dessus. J'ai lu, dès l'objet, des lettres en majuscules me dire que c'était bon, que ton père avait réussi à joindre le CROUS, que la procédure était arrêtée.
J'étais contente, j'étais contente, j'étais contente, je sautais partout dans le couloir, je t'ai répondu tout de suite, je l'ai appelé lui, j'ai appelé l'agence, je leur ai écrit à tous les colocs, on te tenait, t'étais notre sixième coloc. Notre coloc idéal. Je me souviens que plus tard, ton père m'a appelée pour être sûr que le message était bien passé. Ton père si gentil. Oui le message était passé, on te gardait la place, on te gardait ta chambre, elle te servirait très peu, mais ça, à l'époque, personne ne le savait encore.


:: par leeloo à 16:07 ::
 
 
lundi, juillet 03, 2006

Mon amour (3)
Elle

Je t'ai toujours connu avec elle. Tu l'as rencontré au début de nos deux années à Compiègne. Je te voyais de loin, je ne te connaissais pas, mais vous étiez tout le temps ensemble, les rares fois où on te désignait, tu étais "le copain de la petite chinoise".
Je pensais qu'elle et toi, c'était pour la vie. Vous sembliez tellement bien ensemble.
Au début de la coloc, elle, notre coloc tu sais laquelle, t'a même demandé "pourquoi tu n'as pas pris un appartement avec elle?", question à laquelle tu répondais encore que vous auriez bien voulu mais qu'elle ne pouvait pas annuler son studio. Je me souviens que je t'enviais à ce moment là. Ca n'allait plus avec mon copain, je commençais à m'en rendre compte, je n'envisageais plus d'habiter avec lui, toi t'as faillit habiter avec elle. Je faisais semblant, ça n'allait plus entre lui et moi.
En réalité, ça n'allait plus entre elle et toi non plus.

Je l'ai compris quelques jours plus tard, quand on a pris nos marques dans la maison et qu'on a commencé à discuter, à se retrouver. On n'avait fait que s'écrire des mails jusque là, on ne se connaissait pas tant que ça. Là on a parlé en live. T'aimais beaucoup me raconter ton enfance, j'adorais t'écouter, tes histoires étaient pleines de fraîcheur, j'adorais ta façon de raconter. Puis t'as fini par glisser à un moment que ça n'allait plus entre ta copine et toi, que ça faisait un bout de temps que tu t'y refusais mais que plus tu la connaissais et moins t'envisageais de faire ta vie avec elle. J'ai été surprise, t'as été surpris quand je t'ai dit que c'était pareil de mon côté. C'est comme ça qu'on a commencé à discuter "sérieusement".
Comme je ne voulais pas faire celle qui remuait le couteau dans la plaie, je continuais à te parler de ta copine comme si tout allait bien, comme si tu resterais avec elle encore longtemps. Tu n'insistais pas non plus. Décidément, la capacité qu'on avait à passer du jour à la nuit m'impressionnerait toujours. Puis quand je captais un léger soupir au sujet de ta copine, je te relançais sur le sujet, je te demandais si ça n'allait pas mieux, tu semblais toujours attendre que j'en reparle, tu me disais que rien n'avait changé, que c'était de plus en plus dur pour toi. T'étais trop pudique pour en parler par toi même, t'avais toujours peur de me déranger, moi je n'attendais que ça, que t'en parles. Je voulais t'aider.

T'as continué à faire semblant, à aller la voir, à nous quitter le soir. Plus je te connaissais, et plus ça me fendait le coeur. Oui, ça me fendait le coeur. J'avais encore un copain officiellement, j'avais quelqu'un d'autre en vue, et ça me fendait le coeur de te voir partir. Ta présence était tellement rassurante que la maison semblait vide sans toi. En fait t'étais rarement à la maison, et nous autres colocs, on en riait. On se moquait gentiment de toi, on était surpris à chaque fois que tu étais là. Puis un jour tu nous as dit que tu ne prenais pas forcément bien ces remarques, même si elles étaient anodines, parce que si ça ne tenait qu'à toi, tu resterais tout le temps.
Depuis ce jour, je n'ai plus hésité à te montrer à quel point j'étais contente que tu rentres. Je criais ton nom par la fenêtre quand je te voyais arriver, je restais avec toi dans le salon quand tu étais là, je t'accueillais à bras ouverts. J'avais peur que nos remarques te fassent fuir, je voulais que tu restes le plus souvent possible.

Puis j'ai rompu avec mon copain. C'était une période du semestre riche en émotions. T'as été très présent, et j'avais besoin de cette présence.
Quand j'ai rompu, tu m'as dit que c'était bien, que j'étais en train de faire le ménage dans ma vie et que c'était une bonne chose. T'avais le don, tu l'as toujours d'ailleurs, de me redonner du courage par des petites phrases simples. Tout ce que j'ai fait par la suite, je l'ai fait grâce à toi, grâce à ce genre de petites phrases anodines mais pleines de signification.
Je t'ai dit que tu devrais en faire autant. Que tu semblais te faire plus de mal qu'autre chose. Tu m'as dit que c'était vrai, mais que tu ne savais pas comment faire, qu'il y avait trop d'éléments qui entraient en jeu, qu'elle était stressée en ce moment, que tu ne voulais pas en rajouter. Tu m'as dit que quelque part tu tenais encore à elle. Je t'ai expliqué comme les souvenirs étaient traîtres, comme on s'accrochait à ce qui a marché dans le passé alors que le présent était autre. Je t'ai parlé avec expérience, je venais de passer par là, c'était dur de se rendre à l'évidence, de se dire qu'on s'accrochait par habitude, qu'on tenait à l'autre par amitié, de remettre en question tout ce qu'on avait construit. Je t'ai fait prendre conscience de ta situation, t'as compris que mon raisonnement s'adaptait parfaitement à ton cas. Pendant deux semaines, t'as continué comme ça, à te dire qu'il fallait que t'arrêtes avec elle, mais sans trouver le courage ni la force.

C'était le 14 mai. Le week-end qui a suivi la semaine la plus difficile de mon semestre, celle au cours de laquelle je me suis pris ma claque. J'étais rentrée très vite à Paris en vous laissant un mot, à vous mes colocs. Tu m'avais écrit à ce propos, et tout le week-end, tu m'as aidée à remonter la pente. Peut-être que le fait de rentrer à Paris m'a permis de me ressourcer, mais ce qui est sûr, c'est que toi tu m'as beaucoup aidée.
Tu as eu la confirmation que tu partirais outre-Manche pendant un an l'année prochaine. T'es allé voir ta copine lui annoncer la nouvelle et elle l'a mal pris, elle ne voulait pas en parler. Mais ce jour-là, tu devais mettre les choses au clair. Tu m'as même dit qu'il fallait que tu le fasses dans les sept jours.
Maintenant que j'y repense, pourquoi sept jours?
C'était pour le gala toi aussi?

Vous avez rompu ce soir là, tu me l'as dit par mail. Je t'ai retrouvé décomposé quand je suis revenue, tu ne le montrais pas mais je le savais. Tu culpabilisais, tu n'aimais pas avoir le mauvais rôle. C'est marrant comme on a le même état d'esprit toi et moi, tu es la première personne que je connaisse qui soit capable de culpabiliser autant que moi.
Je t'ai rassuré, j'ai essayé d'être présente, je n'allais pas encore au top mais tu semblais aller encore moins bien. Tu ne l'as jamais montré, quelle dignité.

Elle t'a rappelé au cours de la semaine, elle faisait comme si rien ne s'était passé, elle se cachait la vérité. Je ne crois pas qu'elle le faisait consciemment, je crois qu'elle avait peur de souffrir et qu'elle avait du mal à admettre certaines vérités. Je crois que c'était mardi et mercredi, elle t'a rappelé deux fois, t'as essayé de lui faire comprendre les choses deux fois, que c'était fini entre vous. Je me souviens qu'avant de partir chez elle mercredi soir, on était assis dans le salon l'un en face de l'autre, il y avait d'autres colocs avec nous, tu venais de recevoir un appel, je voyais à ta tête, à ton calme forcé, à ta respiration exagérément normale, que c'était elle. J'ai attendu que tu croises mon regard pour te demander, par le regard toujours, si tout allait bien. Tu m'as envoyé un texto pour me dire qu'il fallait que t'ailles la voir, je me souviens très bien que ton texto disait "Je ne peux quand même pas me séparer d'elle tous les jours". Tu m'avais fait sourire.

Quand t'es rentré, j'étais en train de prendre un petit verre pour changer mes idées noires encore pas mal présentes en même temps que je relisais ce post.
Tu m'as envoyé un texto pour me dire que c'était encore fini. Je suis allée te voir, tu m'as avoué que t'avais peur de me déranger, je t'ai dit que tu ne me dérangeais jamais. Tu m'inquiétais, t'étais complètement décomposé. T'as arrêté de faire semblant ce soir là. Tu m'as dit que c'était une catastrophe, que tu ne savais plus quoi faire, que pour toi c'était clair mais qu'elle continuait à faire semblant. T'étais décomposé. Je suis allé vers toi et je t'ai massé le dos, je voulais que tu te détendes. Tu m'as souri. J'ai dit que ce serait marrant que des colocs rentrent à ce moment là. Je me souviens, tu m'as répondu en souriant "tu me fais un massage, et alors?". J'admirais ta capacité à prendre du recul même dans les pires situations. Je suis allée nous prendre des bières. T'es sorti un moment de ta chambre, t'étais complètement désarmé. Quand on est revenu, tu m'as expliqué. Tu m'as dit qu'elle n'était pas bien, que tu culpabilisais d'en rajouter, que tout allait mal dans sa vie en ce moment. Je t'ai dit de rester avec elle encore un moment, en attendant que ça aille mieux, pour ne pas qu'elle fasse de bêtises. J'ai insisté, j'ai dit que tu souffrirais sans doute moins en restant avec elle pendant encore quelque temps qu'elle ne souffrirait si tu la quittais. J'essayais de te faire prendre conscience qu'elle pouvait faire une bêtise si tu n'agissais pas comme ça. Tu réfléchissais, j'insistais. Si tu savais, ça me brisait le coeur d'insister comme ça. Je te savais malheureux avec elle.
Ca a duré un bon quart d'heure. Puis t'as joué à un jeu dangereux.

Tu m'as avoué que t'en aimais une autre.
Je t'ai senti venir, mon amour.
Je l'avais senti dans les mails qu'on s'envoyait.
Je l'avais senti dans le mail du week-end dernier surtout.
Le mail du 12 mai.
Encore un 12 mai.
J'ai compris qu'on n'était plus sur le bon terrain.
Qu'on allait s'aventurer là où il ne fallait pas.
Je t'ai dit d'arrêter de parler.
Je t'ai demandé de ne pas continuer. Il ne fallait pas continuer.
Mais tu me l'as dit.

Que c'était moi. Que s'il y avait une chance pour qu'on soit ensemble, tu ne pouvais plus rester avec elle. Que de toute façon, même sans moi tu ne serais pas resté avec elle, mais que j'étais un facteur important dans ta décision. Que tu aurais voulu me le dire dans d'autres circonstances, mais que j'avais trop insisté pour que tu restes avec elle. Que t'étais désolé, que la situation ne s'y prêtait vraiment pas. Et d'autres choses, beaucoup d'autres choses, mais je ne m'en souviens plus. Il y a eu beaucoup de silence. Je me suis assise par terre, tu me regardais, je regardais le parquet.
Ca a duré un bon quart d'heure.

J'ai fini par te dire de ne pas tenir compte de moi, que le plus important c'était elle, il ne fallait pas qu'elle fasse de bêtise. Tu m'as dit que c'était impossible de ne pas tenir compte de moi. Je t'ai dit qu'il le fallait, qu'il fallait que t'ailles la voir, que tu la rassures, que tu restes avec elle encore un moment s'il le fallait, qu'on n'aurait le temps de penser à nous plus tard, de toute façon je ne savais plus où j'en étais.

T'as fini par accepter. A une condition. Tu ne tenais pas compte de moi ce soir là, mais la balle était dans mon camp, tu me laissais le temps d'y réfléchir, tu me laissais décider du moment où je voudrais en parler, tu n'en reparlerais pas tant que je n'en reparlerais pas pour ne pas me mettre la pression, mais t'attendrais toujours une réponse de ma part. Tu n'agirais pas comme j'ai fait avec lui.
J'ai accepté.
Combien de personnes dans ce monde aurait réagi comme toi?
On s'est souhaité une bonne soirée.
T'es parti chez elle.
J'ai très peu dormi et toi aussi.

T'es rentré à six heures du matin, je t'ai rejoint dans le salon. On a discuté de ta nuit, d'elle et toi. On a évité le sujet de la veille. Le syndrôme du loup garou.
Tu m'as dit que ça devait être clair, que vous aviez pu discuter, que c'était bel et bien fini. Je t'ai dit que c'était bien. J'ai eu peur que t'enchaînes sur nous.
Tu ne l'as pas fait.
Je savais que t'en mourais d'envie. Mais tu m'as laissé les cartes en main, tu m'as laissé décider du moment où je voulais en parler. T'as tenu tes engagements.

La réponse, je l'ai eue deux jours plus tard. Notre coloc, toujours la même, m'a aidée à la trouver, je savais désormais ce que je voulais. Mais la présence de ton ex me gênait encore, votre histoire ne s'était pas terminée proprement du fait qu'elle y croyait encore et j'avais du mal à aller vers toi sans avoir l'impression de lui voler sa place. Je pense que c'est ce qui m'a le plus freinée. Il y avait beaucoup de facteurs en jeu, elle en faisait partie et c'était un "problème" auquel je ne pouvais pas apporter de solution, alors il ralentissait mon travail, pire il faisait pencher la balance du mauvais côté.

Puis le jour du gala, samedi, elle t'a appelé dans l'après-midi. Elle voulait que vous alliez au gala ensemble. T'es allé la voir, et quand t'es rentré, tu m'as dit que cette fois ci c'était définitif. Tu lui as dit que si vous ne pouviez pas rester en bons termes sans qu'elle y accorde encore de l'espoir, alors il valait mieux que vous ne vous revoyiez plus. Ca te torturait de faire ça, parce que tu culpabilisais. Tu ne voulais pas l'abandonner, tu voulais au moins rester ami avec elle, mais elle ne t'a pas laissé le choix.

C'était un jeu dangereux.
Mais l'avenir nous dira que t'as eu raison.
Parce que c'est comme ça qu'elle a fini par se faire une raison, et vous êtes finalement restés en bons termes.

C'est aussi comme ça que t'as libéré le terrain, et que le soir même je m'y suis aventurée.


:: par leeloo à 10:43 ::
 
 
dimanche, juillet 02, 2006

Mon amour (2)
La veille

Je te voyais dans le rétro. Parfois tu me regardais, ça me faisait sourire. La voie était libre à ce moment là. Nos histoires respectives s'étaient achevées proprement avant le gala, il n'y avait plus d'obstacle entre nous.

Ca a été difficile de rester naturelle avec toi toute la journée. La veille je venais de réaliser tout ce que tu représentais pour moi, à quel point je ne voulais pas passer à côté de nous. Tu ne le savais pas encore, mais je te voyais autrement. On a joué aux cartes le soir, je voulais partager ma bière avec toi, tu n'as pas refusé. Puis t'es parti à ta soirée, tu m'as envoyé un texto pour me remercier d'être moi, t'avais l'air heureux, tu me rendais heureuse aussi. Tu me manquais énormément. Tu m'avais dit que tu ne rentrerais pas trop tard, tu n'avais aucun compte à me rendre, mais tu me l'avais dit, alors je travaillais dans le salon, j'attendais que tu rentres. Qu'est-ce que tu me manquais. La maison était terriblement vide sans toi. Je n'arrêtais pas de penser à toi, je t'imaginais rentrer, on s'installerait sur le canapé, une bière dans la main, on discuterait, de tout et de n'importe quoi, et je m'avancerais vers toi pour t'embrasser. Je t'imaginais surpris, un peu, pas trop. Et on irait au gala ensemble le lendemain. Je souriais. Mon coeur se resserrait. La maison était vide sans toi. Tu me manquais, j'avais hâte que tu rentres, juste pour te voir, même si tu ne serais qu'assis en face de moi, même si on essairait de se parler normalement devant les autres, comme on le faisait depuis trois jours.

Tu m'as envoyé un message à ce moment là, tu m'as dit que ma présence te manquait. C'est marrant comme j'avais l'impression de m'entendre à chaque fois que tu me parlais. Tu t'excusais parce que tu avais un peu bu, je te répondais que j'aimais bien quand t'avais bu.

Je me sentais terriblement seule. Je travaillais dans le salon en attendant que tu rentres, pendant que t'étais à une soirée alcoolisée avec des amis. J'ai à peine travaillé, je pensais trop à toi, j'aurais préféré que tu restes à la maison ce soir là.

Tu m'as envoyé un nouveau message. Tu m'as dit que tu n'arrivais pas à rentrer dans ta soirée parce que tu pensais trop à moi.

J'ai des papillons dans le ventre rien qu'en retranscrivant ce message.
J'ai toujours eu cette impression que tu lisais dans mes pensées, même à distance.
T'es rentré beaucoup plus tard, trop tard pour agir, on n'était plus seuls.

Oui, c'était difficile de rester naturelle avec toi le lendemain. Quand j'y pense, on a eu une capacité exceptionnelle à faire comme si tout était normal, pas seulement devant les autres, mais aussi sans les autres. On se parlait comme on s'était toujours parlés, on était atteints du syndrôme du loup garou, en journée on était normal, le soir on changeait de personnalité. J'avais passé une bonne partie de ma journée dehors, à chercher les accessoires qu'il me manquait pour le gala. Tu voulais m'attendre pour déjeuner, mais j'allais rentrer trop tard, je t'ai dit de ne pas m'attendre. Le temps était particulièrement mitigé ce jour là. Le beau temps et les averses s'alternaient toutes les demi-heures. J'étais rentrée trempée. Je me suis changée, et je me suis installée en face de toi dans le salon pour travailler. Je te regardais de temps en temps, qu'est-ce que tu étais beau.
Je voulais agir avant le gala. Il me restait quelques heures. Mais rien à faire, il y avait toujours un coloc dans le coin.
Alors on se parlait normalement, et toi tu travailles quoi? T'en es où? Que de banalités.

On a été seuls pendant un moment, mais tu devais sortir. Tu venais de recevoir un message de ton ex. Cela faisait une semaine que tu rompais avec elle et qu'elle s'accrochait. Je savais qu'elle était l'un des facteurs qui me retenait, car tant que son spectre tournait autour de toi, je n'arrivais pas à agir.
Mais cet après-midi là, tu as été la voir, et tu as mis les choses au clair. Définitivement.


:: par leeloo à 11:31 ::
 
 

Mon amour (1)

Je ne peux plus attendre de défaire mes cartons pour raconter notre histoire. Cela fait un mois que mes lecteurs attendent, un mois que tu me combles de bonheur, que j'ai l'impression de vivre un rêve. J'ai peur d'y croire tellement c'est beau, tant on s'apporte, je ne pensais pas que l'amour réciproque pouvait atteindre de tels sommets. J'aimerais croire que la boucle s'arrête là, que c'est fini, que c'est toi, pour toujours, qu'on n'aura plus besoin d'en connaître d'autres, que toute ma vie tu ne seras pas comme les autres, que toute ta vie je ne serai pas comme les autres. J'aimerais croire que j'ai fini de me tromper, d'idéaliser au début, de désillusionner à la fin. Je veux te connaître dès aujourd'hui, savoir tes qualités mais aussi tes défauts, t'aimer tel que tu es et non tel que je te vois. J'aimerais croire que tu resteras mon idéal toute ma vie. Que je resterai le tien toute ta vie. Mon amour, tu me rends tellement heureuse que je peine à te croire quand tu me dis que c'est réciproque. Quand tu me dis que tu ne trouves plus de mots pour me dire à quel point tu m'aimes. Quand tu me dis que je suis exactement celle avec qui tu rêvais d'être. Quand tu parles et que j'ai l'impression de m'entendre.
Mon amour, j'aimerais croire qu'il est des éternités en ce monde.
Que la nôtre a commencé le 20 mai 2006.

...


On avait prévu d'arriver au gala pour 19h30 avec les autres colocs. Il me laissait conduire sa voiture, j'allais donc vous y amener.
Je voulais agir avant le gala, je voulais profiter du gala avec toi, mais je n'en ai pas eu l'occasion. Quatre autres colocs dans la même maison, c'était pas pratique.
Je n'avais aucun plan pour la suite. Je crois que quelque part je savais que ça arriverait spontanément. Je n'avais rien prévu.
Conduire me libérait. Je pensais à toi, tu étais juste derrière moi, mais je pensais à toi.
Je pensais à nos jeux.
Je pensais à nos confidences.
Je pensais à nos messages.
A tes messages en particulier.
Tu m'avais surchargée d'émotions les trois jours précédents.
La situation dans laquelle tu étais lorsque tu m'as fait part de tes sentiments a rendu ta déclaration surprenante. Mais la situation dans laquelle j'étais à ce moment là m'a rendue étanche à toute émotion. Tu venais de rompre pour la deuxième fois en trois jours avec ta copine. Je venais de me prendre une claque une semaine avant après avoir attendu un mois. Je n'ai rien dit, j'étais troublée, je ne savais plus où j'en étais, je savais que j'y pensais aussi, je le prenais pour une amitié très forte (encore...), de l'attirance, mais tu me donnais de l'amour, je n'étais pas sure de ce que j'avais à t'offrir, je tenais trop à toi pour être malhonnête avec toi, je ne voulais pas que tu sois une roue de secours, je ne voulais pas être avec toi en pensant à un autre, je voulais être sûre de délimiter mes frontières, je ne savais pas si je l'aimais encore, si je pensais à lui par amour ou par habitude, je ne savais pas si je t'aimais vraiment, si je pensais à toi par amour ou par amitié, la tête me tournait, je me suis assise par terre, je pensais beaucoup, je ne disais rien, tu croyais que c'était mauvais signe, que je ne savais pas comment te le dire, c'est vrai au premier abord j'ai voulu refuser par facilité, j'étais fatiguée de réfléchir, il m'avait épuisée, j'avais dit que si ce n'était pas lui ce ne serait personne, je n'avais plus la force de chercher ce que je voulais, j'avais envie de refuser par paresse, par lacheté, t'as toujours su lire dans mes pensées, on a eu de la chance que je tenais tant à toi, si je n'ai pas voulu être malhonnête avec toi, je n'ai pas non plus voulu te faire du mal, alors je t'ai demandé un peu de temps, je t'ai dit que j'avais honte mais que je me rendais compte que j'allais agir comme lui, que j'allais te dire qu'effectivement j'y avais pensé à un moment mais que maintenant je ne savais plus, tu m'as dit que tu n'agirais pas comme moi et que tu ne me laisserais pas te faire attendre un mois, j'ai souri et je t'ai dit que je ne t'aurais pas fait attendre tout ce temps, j'aimais tant la façon dont tu savais te montrer ferme sans être agressif, sans être insolent, sans être irrespectueux, tu me l'as dit de telle manière que j'ai juste senti que tu tenais beaucoup à moi.

J'ai beaucoup pensé à toi le lendemain, mais je n'arrivais pas à tourner la page. J'étais persuadée que je refuserais parce que j'avais toujours des sentiments pour lui, et que je préférais être seule qu'être malhonnête avec toi. Je n'arrivais pas à avoir ce déclic, quelquechose me bloquait, ce même quelquechose qui a bloqué chacun de mes sentiments, qui m'a rendue aveugle tant de fois, ce quelquechose me bloquait à nouveau, il m'empêchait de réfléchir, je voulais ignorer le problème toute ma vie.
A minuit tu m'as réécrit pour me dire que malgré le contexte particulier dans lequel avait eu lieu ta déclaration, tes sentiments étaient bien sincères; que t'aurais voulu me le dire en face mais que tu ne voulais pas me réveiller. Tu étais dans la chambre d'à côté. On avait pris l'habitude de s'envoyer des messages, j'adorais ça. Je t'ai dit que je ne dormais pas mais que je n'étais pas encore prête à en parler parce que je ne savais toujours pas où j'en étais avec lui. Tu m'as remerciée de ma sincérité, et tu m'as dit que je pouvais prendre mon temps, que tu serais disposé à m'écouter quand je serais prête. Combien de personnes dans ce monde aurait réagi comme toi?

J'ai encore beaucoup pensé à toi le lendemain. Je m'en rendais malade, j'étais fatiguée comme c'était pas permis. L'après-midi je ne pouvais plus continuer à me torturer. Je suis allée la voir, elle, l'une de nos colocs, tu sais laquelle, et je lui ai expliqué le "problème". Elle a été d'une grande efficacité. Elle a réussi à me donner ce déclic. A me faire comprendre que ce que je partageais avec lui c'était beaucoup de complicité mais basée sur des délires. Tout ce qu'on a construit lui et moi, c'était faux, des histoires de mariage, de jumeaux, rien n'était vrai, c'était un jeu, je m'étais accrochée parce que je suis rentrée dans son jeu, parce que j'ai cru que ça pouvait être possible, parce qu'il m'avait toujours attirée et que j'avais juste besoin de dépasser cette attirance, de noyer ce semblant d'amour né sur des illusions. A côté de ça, je t'avais toi, on partageait aussi beaucoup de complicité, mais basée sur des confidences, des faits réels, nos histoires de coeur. On pouvait discuter, on s'apportait beaucoup l'un l'autre, je connaissais ton passé, je pouvais deviner ta réaction face à différentes situations, tu pouvais en faire de même. Je ne m'ennuyais jamais avec toi, en plus ta présence me rassurait, cette dernière semaine je n'étais pas bien, et je ne restais dans le salon que quand tu étais là. En fait je partageais la même chose avec toi qu'avec lui, mais avec toi c'était réel, c'était sincère.
Quand il a dit que c'était négatif, j'étais trop fatiguée psychologiquement pour essayer de tourner la page. La solution de facilité était de continuer à penser à lui et à souffrir pour lui car c'était ce qui venait d'emblée. J'ai continué à croire que je l'aimais, mais elle m'a fait réaliser le contraire. Elle m'a demandé, de toute façon, si un ami avec qui je voulais sortir me disait qu'il refusait parce qu'il ne voulait pas être malhonnête avec moi, qu'est ce que je lui répondrais? De me laisser une chance.

J'ai beaucoup réfléchi cet après-midi, mais pas longtemps, le déclic a eu lieu, c'était clair. Je voulais passer la soirée du gala avec toi, et c'était le lendemain.


:: par leeloo à 00:13 ::
 
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